Nous avons appris avec consternation, en avril dernier, la mort en septembre 2005 d’un de nos membres fondateurs, qui était aussi membre honoraire, Joyce Marshall, écrivaine et traductrice. Née à Montréal, Joyce y a vécu jusque dans les années 1930, où elle a déménagé à Toronto.

Comme traductrice, elle s’est fait connaître avec trois livres de Gabrielle Roy, La route d’Altamont (The Road Past Altamont), La rivière sans repos (Windflower) et Cet été qui chantait (Enchanted Summer). Elle a remporté le troisième le prix de traduction du Conseil des Arts (devenu plus tard le prix du Gouverneur général pour la traduction). Il faut aussi souligner Word from New France, les lettres de Marie de l’Incarnation, au XVIIe siècle, que Joyce a traduites et publiées.

Elle est aussi l’auteure deux romans, Presently Tomorrow et Lovers and Strangers, tous deux très bien reçus par la critique, et de beaucoup de nouvelles qui ont été lues à la radio et publiées dans des magazines; Joyce est également l’auteure d’anthologies ainsi que de trois recueils, dont l’édition bilingue de Blood and Bone / En chair et en os. Dans ce livre, rassemblé, publié et présenté en avant-propos par ses collègues, membres de l’ATTLC, les histoires de Joyce sont traduites par sept autres collègues et membres. Elle a pendant de nombreuses années été une proche collaboratrice du légendaire Bob Weaver de CBC Anthology program.

Joyce et moi nous sommes rencontrées à la Conférence de Stanley House organisée par Phil Stratford en 1974, conférence qui a abouti à la création de l’ATTLC. Elle a été vice-présidente de l’Association au début, quand j’étais moi-même présidente. Pendant toutes ces années, elle a mené la campagne pour la reconnaissance des traducteurs, écrivant d’innombrables lettres pour secouer les critiques qui omettaient de mentionner les noms des traducteurs. Elle et moi nous sommes battues côte à côte contre un important éditeur qui était persuadé qu’il existait un conflit fondamental entre la précision de la traduction et la lisibilité, et qui prétendait que les traducteurs étaient si attachés à l’exactitude (ce qui, pour lui, signifiait le manque de lisibilité) qu’on ne pouvait faire confiance qu’aux seuls éditeurs, bilingues ou non, pour prendre les décisions éditoriales finales.

Au fil de nos collaborations, une relation très amicale s’est développée entre Joyce et moi. Elle était vive d’esprit et spirituelle, et elle faisait preuve d’une sensibilité et d’une générosité sans faille. Elle logeait toujours chez moi quand elle venait à Montréal et pendant toutes ces années, je logez chez avec elle quand j’allais à Toronto. J’ai beaucoup appris avec Joyce, tant sur la traduction que sur bien d’autres aspects de la vie, et je lui en serai toujours reconnaissante.

Le fait que personne n’ait su quand ou comment Joyce était morte, ni même qu’elle était très malade, reste un mystère pour tous ceux qui l’ont connue et une honte pour moi. Elle souffrait d’arthrite les derniers temps, et il était extrêmement difficile de communiquer avec elle parce qu’elle était devenue très solitaire. Elle s’était brouillée avec l’Union des écrivains et l’avait quittée il y a plusieurs années, ce qui malheureusement avait réduit ses contacts avec les gens dont elle partageait les intérêts. Comme elle était membre honoraire de l’ATTLC, elle recevait les communications de l’Association (elle n’avait pas de courriel), mais elle n’y répondait pas nécessairement. Je ne peux que répéter à quel point je suis attristée par sa disparition bien sûr, mais peut-être plus encore par le fait qu’elle avait atteint un point où elle ne désirait plus communiquer avec qui que ce soit sauf un ou deux amis ou membres de sa famille, et qu’elle voulait simplement disparaître et se faire oublier.

Patricia Claxton
Traduit par Florence Buathier

CRÉDIT PHOTO : P047 JOYCE MARSHALL FONDS

Œuvres traduites

Casgrain, Thérèse F., A Woman in a Man’s World, Toronto: McClelland & Stewart, 1972.

Cloutier, Eugène, No Passport: A Discovery of Canada, Toronto: Oxford, 1968.

De L’Incarnation, Marie, Word from New France, Toronto: Oxford, 1967.

Pelletier, Gérard, The October Crisis, Toronto: McClelland & Stewart, 1971.

Roy, Gabrielle, Enchanted Summer, Toronto: McClelland & Stewart, 1976.

Roy, Gabrielle, The Road Past Altamont, Toronto: McClelland & Stewart, 1966.

Roy, Gabrielle, Windflower, Toronto: McClelland & Stewart, 1970.